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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Allons, mon vieux, dit Antoine, la suite !

Le Sociétaire, hagard, répond :

— Il n’y a pas de suite ! Le rideau tombe… tombe doucement : il faut que ce soit réglé…

Et il raconte comment une fois, à la Comédie, le rideau n’est pas tombé :

— Le souffleur, dans son trou, venait de tourner de l’œil !

Le garçon apporte le rôti :

— Moi aussi d’ailleurs, dit le Sociétaire, j’ai failli, un jour, me trouver mal. Pourtant, patron, vous connaissez ma résistance : je suis bâti à chaux et à ciment Eh bien, un jour que je jouais don Ruy Gomez, j’ai cru que je mourais !

La cantatrice le suit d’un regard ému.

— Je ne sais pas, madame, si vous m’avez vu dans don Ruy Gomez. J’y donne vraiment tout ce que je peux. C’est un formidable effort !… Bref, ce jour-là, j’avais dit en m’habillant : « Apportez-moi le plus riche costume du théâtre ! » Il y a des soirs ainsi où l’on se sent à la hauteur des