Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
GRANDGOUJON

— Pourtant… c’est affreux, dit Grandgoujon.

— Qu’est-ce qui est affreux ? Idées de civil !… Moi, je n’aime pas les messieurs en redingote. J’aime les gens qui ont des sabres, moi ! Quand on tue, ce n’est pas affreux. Tuer du Boche, en compagnie de militaires sursaturés de pinard, c’est deux cents fois plus rigolo que de jouer au tennis avec des vierges anémiques !

Grandgoujon songea, puis naïf :

— En avez-vous tué beaucoup ?

— Des vierges ? Pas mal ! Des Boches ? Cent quarante-quatre !

Et Moquerard imita la mitrailleuse, dit : « Kapout ! Kamerad ! Il y en a un à qui j’ai cassé la tête avec mon soulier. »

— Oh ! fit Nini, se cachant le visage dans les mains.

Alors, il eut un ricanement pour ajouter plus bas :

— Ça a sonné creux…

Grandgoujon dit : « C’est horrible ! »

— Allez-vous donc partir aussi là-bas ? demanda Moquerard.

Grandgoujon, s’étrangla :

— Peut-être à Salonique…

— En tout cas, l’est nippé pour faire des conquêtes, remarqua Quinze-Grammes.

— Ma foi, dit Moquerard, Monsieur de Buonaparte, cet homme qui s’est fait un nom parmi les militaires, malgré son écriture illisible, Monsieur de Buonaparte vous eût aimé. Il avait, remarquez-le, Monsieur, agréablement combiné, comme vous,