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GRANDGOUJON

— Pourquoi ? dit sérieusement Grandgoujon.

— Non, non, ça ne peut pas être français ! reprit Moquerard.

Et il se leva, faisant des effets de petit doigt.

— La France, n’est-ce pas, est le peuple élu de Dieu, et elle travaille gratuitement pour l’Humanité : ne perdons jamais ce point de vue, Mesdames et Messieurs ! Donc, le Français est désintéressé, délicat et sublime ! Un point, à la ligne. Mais le Français n’est jamais « utile ».

— Tu es spirituel, bougonna Grandgoujon, mais moi, je n’ai pas envie de claquer, et avec ce que j’ai… ça me pend au nez comme un sifflet de deux sous !

— Qu’est-ce que tu as ?

— Je suis aérophage.

— Aéro… quoi ?… C’est un métier, ou une maladie ? Ça paraît crevant !

— J’aime autant ne pas en crever… et c’est pourquoi je veux voir Creveau.

— Lequel n’a aucun pouvoir, ni médical, ni militaire…

— Bien sûr. Seulement je pense…

— Comme un lavement ! Enfin, dit sèchement Moquerard, es-tu libre demain ?

— Si je ne pars pas pour Salonique, Quinze-Grammes me libérera.

— Alors, décampe tout de suite pour qu’enfin nous puissions causer. Et demain, viens me visiter dans mes Pénates à neuf heures. J’arrangerai ça.

— Vrai ?