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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/127

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GRANDGOUJON

mes-là patientent en face d’une police qui, malgré tout, est la plus forte ; mais elles vous guettent, Grandgoujon, vous et vos semblables, et elles sauteront sur la première occasion de vous occire dans les règles ! Les tricoteuses : nous les reverrons ! Et des guillotines ? Tous les marchands de bois, secrètement, en fabriquent ! Le mieux était donc de vous décider ! Vous êtes auxiliaire ? Simple mot qui se change ! Fort comme vous voilà, on oubliera le titre pour n’admirer que l’homme !

Il cligna des yeux :

— Vous êtes superbe ! Il vaut bien mieux vous tuer que de vous nourrir. Vous pouvez même dire aux médecins : « Messieurs, j’ai attendu deux ans pour être à point… »

De la tête aux pieds, il dévisageait Grandgoujon, puis, pesant ses mots :

— Si les Boches vous ont, crénom… quelle belle charogne !

L’autre devint affreusement rouge.

— Entrez donc, reprit Creveau caressant, asseyez-vous, et ne me faites plus cet air gêné… puisque j’oublie vos cochonneries.

Mais Grandgoujon demeurait dans l’ombre, en face d’une console qui supportait un affreux Dieu des Indes, au rictus infernal.

Creveau, placidement, lui dit dans le nez :

— Je suis avocat général au Conseil de guerre, et j’en vois défiler des froussards de votre espèce ! Ah ! les veaux ! Je les fais saler ! Mais puisque vous, de vous même, demandez à crever au front,