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GRANDGOUJON

— Dès que tu sens que ça vient, protège la girouette !

Vingt fois il crut que ça venait ! Il eut l’impression d’être poursuivi et de mettre deux heures à sortir de ce boyau hideux… « En avant !… » Les éclatements devenaient pourtant plus éloignés. Enfin, ils retrouvèrent la route. Grandgoujon balbutia : « Allons ! Allons ! » Sur la route ils croisèrent un camion. Laboulbène fit signe. Il hissa Grandgoujon, qui s’époumonait : « Montons ! Montons ! » et grâce à Dieu, qui parfois est clément aux faibles, ils s’éloignèrent ainsi de la zone critique. Mais ils ne revinrent pas à la Compagnie Z : Le camion les déposa près de la gare ; et entrant dans le poste de la Croix-Rouge :

— Monsieur le major, dit Laboulbène sarcastique, à un médecin qui était occupé à attendre les événements, je vous amène un petit soldat de France, qui a eu la joie d’être enterré par une marmite, et déterré par votre serviteur !

À ces mots, comme si certains évoquaient des images pathétiques qu’il ne s’était pas représentées assez fortement, Grandgoujon prit un air accablé.

— A-t-il une blessure ? dit le major.

— Je ne crois pas… fit Grandgoujon ahuri.

— Sa capote a un trou.

— Je ne savais pas, dit Grandgoujon effrayé.

Le médecin, petit homme rondouillard, le déshabilla, puis, avec bonne humeur :

— Ce n’est pas encore cette fois-ci que vous irez manger des pissenlits par la racine. Mais si vous