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GRANDGOUJON

s’agitaient, verbeuses et enflammées, réclamant les commissaires, car chacune exigeait un siège réservé, alors qu’on voyait encore par la salle une trentaine de banquettes vides. Le vestibule, enfin, était rempli par le bourdonnement de Monsieur Punais rajeuni, qui portait des guêtres blanches, une jaquette d’adolescent, et qui accueillit Grandgoujon avec une particulière cordialité :

— Cher ami, dit-il, donnant à sa moustache deux coups d’une petite brosse tirée de sa jaquette, que j’eusse voulu vous emmener dans ce voyage que nous venons de faire, ma femme et moi ! Vous auriez vu comme on les aime, ces sublimes poilus dont vous êtes !

Puis il sourit, serrant des mains.

— Bonjour !… Merci !… Que vous êtes aimable !…

Et il reprit :

— Seriez-vous assez bon, pour vous tenir près de la porte : j’aurai besoin de vous dans une minute.

Une femme jolie, au parfum doux l’appelait : il courut vers elle. Grandgoujon un instant les considéra. Il perçut quelques phrases de Monsieur Punais :

— Les grands soldats de la Victoire… Alors vous partez pour Biarritz ?… Nos morts, chère amie, demeurent vivants…

Et il avait envie, contre son propre désir, d’aller s’asseoir en plein milieu de la salle, quand il aperçut Colomb, cette sauterelle, toujours affairé, des papiers bourrant ses poches, une serviette