expliqua ce qui venait de se passer. Le major le considéra avec étonnement :
— Ça va mieux, vous, alors ?
Grandgoujon reprit :
— Ça n’a jamais été mal.
L’autre riposta :
— Pas d’histoires. Vous avez les yeux rouges comme un lapin russe. Voyez l’oculiste.
Une heure après, Grandgoujon se présentait devant un nouveau major à quatre galons, car, comme avait dit l’un des fous : « Y a des maisons centrales qu’on n’entre pas pour moins de cinq ans ; ici, on n’exerce pas avec moins de quatre ficelles ! » Mais ce major, ainsi que les autres, exerçait dans une vieille salle, où l’on ne voyait que des ombres, flottant dans un jour avare que dispensait une mince croisée.
— D’où viens-tu, mon garçon ? demanda-t-il.
— Quatrième fiévreux, annonça l’infirmier.
— Troubles visuels alcooliques ?
— Alcoolique ! s’écria Grandgoujon. Encore !
— Comment, encore ? Monsieur s’impatiente ? dit le major. Tu te figures que ça peut être réglé en deux heures, s’il y a quarante ans que tu t’imbibes ! Je te trouve du culot, à toi, encore, c’est le cas de le dire !
Puis il lui mit une main sur les yeux.
— Vois-tu mes doigts ?
Grandgoujon tenta de reculer.
— Vois-tu mes doigts ?… Ah ! le soulaud !… Il ne sait même pas s’il voit mes doigts !… Recouchez-le : il est en plein délire !