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GRANDGOUJON

« Voilà !… Voilà le symbole des temps que nous vivons ! » Et il avait été obligé d’ouvrir sa capote. Sa mère regardait, riait, se mouchait, s’essuyait les yeux, et penchée en toute simplicité vers Mademoiselle Dieulafet, de l’Odéon, disait : « Ce qu’ils sont drôles ! » unissant ainsi son fils, Moquerard, les clowns.

L’homme aux œufs était rentré. Il avait repris son panier ; tranquille, il longeait la piste sur le bord en velours rouge, puis il grimpa parmi les spectateurs.

— Il faut l’appeler ! cria Moquerard. Eh ! la tête plâtrée, par ici, ma vieille, qu’on t’admire de près… Moi, je veux que cet abruti devienne mon ami… Apporte tes œufs !

Le clown de s’approcher.

— Mais… il vient, balbutia Madame Grandgoujon, dont le rire se contractait.

— Et on va faire une omelette ensemble, dit Moquerard dressé.

— Nô, je veux tout seul ! affirma le clown, impératif.

Il avait enjambé une balustrade, et il était dans une loge voisine avec son panier, nez tendu, reniflant l’air, avant de faire un bon coup ; puis, ce panier il le prit à deux mains et il annonça : « Attentione ! Eune, deusse ! »

— Ah ! cria Madame Grandgoujon.

Le clown n’avait pas bougé. Il regardait, épanoui. Il articula :

— Ça compte pas ! Recommençons…

Madame Grandgoujon, détendue, éclata de