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GRANDGOUJON

ment ; c’est déjà de la lingerie ; il s’amollit à la tiédeur du corps ; et le moindre geste, en ce costume clair, prend une valeur qui attendrit les hommes.

— Venez, fit-elle, dans mon boudoir. Le soleil se couche par là : nous serons bien.

Il ne pensait plus à répondre à ses sociétés questions. Il la suivit. De son boudoir, on voyait des toits, des arbres, le Panthéon, le Val-de-Grâce. Et, s’asseyant, Grandgoujon commença par dire :

— Ah ! Paris !… Paris l’été, Madame !… avec des femmes comme vous… qui êtes le printemps.

Madame des Sablons sourit. Le soleil, obliquement, lui mettait de l’or dans les cheveux. Elle dit :

— Vous êtes poétique, ce soir…

Il reprit, s’attendrissant :

— Je voudrais bien, car j’ai beau avoir quarante ans, je sens que j’adorerais encore la vie, si elle était meilleure. Moi, j’aimais les amis, le café, le théâtre, les poètes… tout ce qui est bon, mais avec ce cataclysme est-ce qu’on peut seulement rêver un quart d’heure ?

— Oui, dit Madame des Sablons après un silence, les rêveurs sont démodés. J’en souffre plus qu’une autre, moi une idéaliste. Jusque dans le domaine du sentiment c’est le triomphe des réalités brutales. Savez-vous de chez qui j’arrive ?

Un pied en avant, elle le défiait : « Devinez ! » Et, immobile, l’œil à la fois galant et sévère, elle laissait à Grandgoujon le temps d’admirer ses bras ronds que les manches dégageaient, et le bas de