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GRANDGOUJON

D’un coup, Grandgoujon avala un litre d’air, qu’il rendit tout entier pour dire :

— Elle vous laisse de l’argent ! c’est-à-dire rien ! En cette vie ce qui compte c’est la paix !

— Monsieur, cria Mariette avec un feu patriotique, nous devons tenir jusqu’au bout !

— Vous faites erreur, dit Grandgoujon. Je ne parle pas de cette paix, qui sera votre affaire… et celle des diplomates. Je parle de la paix de mon intérieur ! Or, pour que je l’obtienne, il faut qu’à votre tour vous passiez la porte.

— Si Madame nous voit de là-haut… cria Mariette.

— Elle nous voit ! affirma Grandgoujon.

— Madame, que vous avez fait mourir…

— Au cirque !… Ne faites pas la perruche.

— Pendant que les nôtres se font tuer !

— Assez de phrases. Rendez ma photographie. Nettoyez votre cuisine, et je vous règle en rentrant.

Mais hors d’elle, elle lança :

— Dire que c’est les embusqués les plus forts !

Alors, Grandgoujon manqua faire un malheur… Menaçant, il avança d’un pas, puis recula d’un autre ; il leva une main vengeresse, mais il la rebaissa sans rien atteindre ; enfin il tourna sur lui-même pour tordre sa colère et la tuer dans l’œuf, et, simplement, il prononça d’une voix de tonnerre :

— Celui qui me débusquera n’est pas né !

Cette affirmation solide servit de conclusion. Il avait su se maîtriser. Mariette s’enfuit. On