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GRANDGOUJON

— Oh !

— Marie, montez prévenir chez Monsieur.

— Ah !… Han !… sacrénom !… Puisque c’est ça… puisque… on laisse crever les gens… puisque cette immense catastrophe n’aura servi à rien… puisque… on ne s’aimera pas plus après qu’av…

Il s’était redressé : sans achever, oubliant son chapeau, ne saluant pas, il sortit, empoigna la rampe et grimpa l’escalier.

La colère peut valoir un sinapisme ; afflux de sang, et l’équilibre est rétabli : Grandgoujon, au second, se sentit sauvé. — Alors, soufflant cette fois pour revivre et pour rejeter un mauvais air, il dit, grinçant des dents :

— Ah !… la rosse !

C’est avec ce mot qu’il rentra chez lui.

Madame Creveau était près de sa mère. En termes violents, tel un homme qui ressaisit tous ses moyens et en use sans mesure, il leur conta sa chaude alerte, puis, les bras croisés, s’indigna sur l’égoïsme humain :

— Enfin, chez moi, n’importe quel pouilleux sonnerait, gémissant « Je vais mourir !… »

— Oh ! balbutia sa mère, te sentais-tu si mal ?

— Mon Dieu ! dit Madame Creveau.

— Jamais je n’ai eu pareille angoisse, dit Grandgoujon.

— Pourtant, tu venais de chez le médecin ?

— C’est ce qui me tue ! Il faut voir à quel régime m’a contraint cette baderne : « Vous ne mangerez rien de ce qui se mange… ! » À part ça…

— Comment ? dit Mme  Grandgoujon.