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GRANDGOUJON

qui découvrit l’Amérique, notre ami m’écrit : « Voyez cet excellent Grandgoujon, qui n’est pas mobilisé. »

— Je le serai demain, jeta Grandgoujon avec vaillance.

— Demain ? reprit la jeune femme affable.

— Oui Madame ; je suis convoqué depuis cinq minutes.

— Où, mon Dieu ?

— Dans les Secrétaires…

Grandgoujon baissa les yeux, modeste ;

— Ce n’est pas’grand’chose… mais je suis malade.

La jeune femme dit :

— Pas possible ?

Grandgoujon s’était levé ; familièrement il s’adossait à la cheminée :

— Je sors de chez mon médecin qui n’est pas fier.

— D’être médecin ? fit la jeune femme.

— Ah !… ça c’est drôle !

Grandgoujon éclata de rire, comme il savait faire dans les maisons où il se plaisait, et redit :

— Ça c’est très drôle !…

Si bien que le mari sourit à son tour.

Puis, tourné vers Madame qui, debout, lui semblait bien agréable en une attitude un peu abandonnée, Grandgoujon reprit avec feu :

— Il m’arrive une aventure inouïe : j’avale de l’air !

— De l’air ? Oh ! c’est curieux ! dit le mari.

— Mon ennemi, reprit Grandgoujon soucieux,