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GRANDGOUJON

— Je sais, dit Grandgoujon, tu es un brave type ! Mais pourquoi ce vieux mari ?

— N’importe, dit Colomb, talons joints, je la respecte et l’admire… et même peut-être que je l’aime…

— Eh ! Eh ! Monsieur l’ai…

— Pas si haut !

Colomb descendit encore :

— Amitié est pour moi synonyme de conscience. D’ailleurs, j’ai une maîtresse… qui me suffit.

Ses yeux flambèrent :

— La France !

Puis, grave, il descendit le dernier étage.

En posant le pied dans la rue, Grandgoujon, rassuré, le prit par le coude.

— Tu es épatant !

Et pour le récompenser, il expliqua :

— Nous allons être à mon petit restaurant dans cinq minutes. Tu ne dînes jamais par ici, toi qui habites la rive droite ? Pouh !… Qu’elle est vulgaire ta rive droite !

— Je n’y songe pas, répondit Colomb. J’ai là mes habitudes. C’est l’important pour aller vite et être utile à plus de gens. En trois ans, je n’ai pas pris une seconde de repos…

— Tiens, fit Grandgoujon rêveur, tu me rappelles la vie des saints.

Ils étaient sous un bec de gaz. Colomb s’arrêta et dit :

— Mon cher, en ces temps affreux, pensez une minute…