Aller au contenu

Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

de se reposer là. Et c’est dans ce sentiment que les Anglais ont amené dans ce panorama doux à toutes les âmes tristes, des bêtes anémiées ou chagrines, pour qu’elles reprennent courage à voir comment le ciel peut épanouir la terre.

Le vétérinaire montra une jument qui s’en allait à petits pas, flairant l’herbe, et elle ne se décidait pas à brouter. Jolie bête à tête mince et aux flancs étroits. Barbet demanda de quoi elle souffrait. Alors on lui répondit que son officier avait été tué, et qu’elle semblait dans l’affliction, cherchant partout son maître. Puis, le vétérinaire passa prés d’elle, la regarda et lui sourit. Ce sourire à un animal, discrètement fait, avec une tendresse respectueuse, fit dire à Barbet qui voulait toujours, à la fin de chaque visite, un mot lapidaire :

— Monsieur, je crois que vous êtes le peuple le plus démocratique du monde, — au sens le plus large du mot, puisque, parmi les petits, vous comprenez même les bêtes.

Mais il n’avait pas débité sa phrase qu’ils passèrent tous trois devant un édifice étrange, en bois sombre, d’aspect redoutable, avec trois rangées de fil de fer barbelé tout autour.

— Qu’est-ce donc ?…