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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/13

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

ils sont bons ! Ah ! qu’ils sont braves ! Songez donc : Ils sont venus à notre secours ! » Je pense bien ! Si un boucher a des moutons, il se trémousse pour les ôter de la gueule du loup : seulement il les bouffe après !

Barbet soufflait de rage. Et Mondauphin, appuyé à la table, répétait dans sa torpeur :

— Vous croyez ? Ah !… c’est malheureux quand même !

Barbet se dressa.

— D’où est-ce que je viens, à la minute ? Du Ministère du Ravitaillement. Et qu’est-ce que j’ai appris ? Eh bien, on va crever de faim !

— Sans blague ? dit encore le garçon.

— Dans un mois — tu entends, un mois — nous n’aurons plus ni farine ni viande ! Parce que tous les bateaux s’en vont au fond de l’eau… comme ça…

Il s’affaissait, soulignant d’une mimique ses paroles, prenant l’air niais et puéril.

— Et qui est-ce qui n’empêche aucun bateau de couler ? l’Angleterre ! Qui est-ce qui n’en fiche pas une datte ? l’Angleterre ! Mais qui est notre admirable alliée ? l’Angleterre ! Et sur qui nous demandera-t-on un cinq centième article tout à l’heure ? Sur l’Angleterre ! Ah ! ah ! cette fois-ci,