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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/171

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

font les hommes ils sont splendides, seulement dans l’âme des poètes, car, eux, dans les choses que ils racontent, tout il est facile et rien il est triste. Vous jamais voyez les pauvres ouvriers… Ainsi, quand un poète il disait, il y a mille ans, qu’un jour nous volerons, ça ce était splendide : mais de voir, aujourd’hui, fabriquer les aéroplanes, dites-moi, est-ce pas pénible comme toute usine ? Et quand un poète, encore, il dit aujourd’hui que nous devons aller dans le lune, ça ce était une idée ravissante, mais de y aller combien tuera de pauvres travailleurs ?… Et puis, mongsieur Bâbette, comment ils peuvent-ils faire, ces patrons, de vivre dans des offices aussi mélancoliques ?… Voyez donc ces sombres choses sur le table : obus, petits fers éclatés. Oh ! que j’aime mieux les fleurs et un coquillage où vous entendez le mer !

Barbet, amusé, dit gaîment :

— Nous n’êtes guère de votre siècle.

— Hélas ! reprit M. John Pipe. Si les braves gens qui vivirent vers le Moyen âge ils ressusciteraient tout à coup, je crois je pourrais seulement leur montrer ces affreuses choses, mais je saurais rien expliquer que ce qu’ils ont connu : les nuages, les jardines et les jeunes vierges…