Aller au contenu

Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

martre avait le pur accent traînard de Paris, et il substituait à l’impeccable raisonnement londonien les à peu près de sa bohémienne cervelle de la Butte.

— Garçon, demanda Barbet, lorsqu’on est de Pantruche — j’en suis — est-ce qu’on n’a droit ici qu’à un morceau de pain ?

— Un kilo, si monsieur veut. Et je salue bien monsieur de Paris, répondit le garçon, clignant de l’œil.

— Je suis un vieux journaliste, mon ami, dit Barbet. Vous avez dû lire cent fois ma prose. Vous ne vous rappelez pas une série d’articles qui ont fait du potin : « Défendez-vous, vous n’êtes pas défendus ! »

— N’êtes pas défendus… ça ne m’étonnerait pas que je me rappelle, dit le garçon.

— Bravo ! fit Barbet… Et la viande, on n’a droit qu’à un plat ?

— Pour monsieur de Paris, dix-huit plats, répondit le garçon, clignant l’autre œil.

— Quant aux vins…

— La cave !

— Et les liqueurs ?

Là, le garçon de Montmartre eut un sourire farce.