Aller au contenu

Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Puis, tout à coup :

— Mongsieur Bâbette, vous voulez voir des troupes ?

En effet, une longue colonne de fantassins remontait d’un champ détrempé et débouchait sur la route. D’abord, le chauffeur tenta de la couper. Par sa trompe impatiente il s’indignait d’être bloqué. Le major l’apaisa, et les troupes entourèrent la voiture, l’enserrèrent, s’imposèrent.

Hommes jeunes, forts, roses, qui marchaient au pas, attentifs comme s’ils écoutaient avec satisfaction la cadence de leurs pieds, cadence légère et nette, pareille aux petits mots de leur langue, cadence décidée qui sonnait clair aux oreilles. Leur jeunesse dégageait une buée chaude, et les harnachements neufs avaient un grincement de cuir solide.

Leur lourd bagage en ordre, ils paraissaient robustes sans être accablés. Tous regardaient Barbet en défilant. Mais Barbet ne les regarda qu’une seconde ; il était trop agité par l’importance de son voyage pour rester calme observateur. Au lieu de se dire : « Voyons un peu comment sont faits ces Anglais », il se demandait surtout : « Quelle idée a-t-il de moi, ce jeune major ? »

Et alors, il ne cherchait qu’à se définir, à s’ex-