Page:Benjamin - Le Pacha, paru dans Les Annales politiques et littéraires, 3 et 10 août 1924.djvu/16

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naissez pas les hommes !

Suzanne. — Pauvre Marinette ! Elle se leurre !

Marinette. — Oh ! celle-là !… Tu es plus avancée que moi, toi, sur les hommes ?

Suzanne. — J’ai un frère.

Marinette. — Moi, un fiancé.

Mme Hamelin. — Attendez qu’il soit votre mari. Jusque-là…

Marinette. — Je me prépare…

Mme Hamelin. — À quoi ?

Marinette, riant. — À une bonne vie ! Ce n’est pas moi qui repasserai jamais l’essuie-meubles après la bonne !

Mme Hamelin. — Mon enfant, que le Ciel vous aide ! En tout cas, vous aurez toujours mon approbation. Je ne suis pas une maman rabat-joie. Je ne pense pas qu’il faille vous ennuyer toute votre existence, parce que nous en avons fait autant… Au contraire !… Mais réussirez-vous ? Le plus sûr, allez, serait de ne pas être femme !

Marinette. — Ça a bien des charmes…

Mme Hamelin. — Lesquels ?

Marinette. — Pendant qu’on est fiancée…

Mme Hamelin. — Ah ! oui, c’est le bon moment !… Et quand même, si vous pouviez changer, je vous dirais : « N’hésitez pas ! » Les hommes ! mais ils sont continuellement heureux, ces êtres-là ! Toujours avec un journal ou leurs livres. Il ne faut pas qu’on les dérange, pas qu’on fasse dé bruit. En rentrant, ils trouvent toutes prêtes leur écuelle et leur niche. Comparez cette vie à la vie d’une femme, qui doit penser à tout, qui tous les jours se remet à sortir des provisions…, à ramasser des miettes…, à compter du linge !…

Marinette. — Justement ! Vive la grève !

Mme Hamelin. — Quel type ! Quel type !

Suzanne. — Oui, mais raconte-t-elle tout ça devant Pierre ?