Page:Benjamin - Les plaisirs du hasard, 1922.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ACTE PREMIER
15

Emmanuel. — J’avais parié qu’étant médecin, vous me trouveriez une maladie.

Le Docteur. — Ah ! vous vous êtes payé ma tête !

Emmanuel. — Je jure que non !

Le Docteur. — Ne vous en défendez pas ! Vous m’enchantez ! Je ne vois que des gens sérieux et respectueux, parmi lesquels je mène une existence d’âne, grave et respectable. Quelle joie d’être chez un fantaisiste, qui joue avec la vie comme avec un ballon…

Emmanuel. — Et vous l’envoie par la figure… Excusez-moi. Mais on me refuse mon lait quotidien, et j’ai besoin d être reconnu malade.

Le Docteur. — Encore un tour de votre domestique. Vous allez vous débarrasser de cette fille-là.

Emmanuel. — J’ai horreur des décisions violentes.

Le Docteur. — Alors, vous la laisserez briser votre vaisselle ?

Emmanuel. — Oui.

Le Docteur. — Quoi ?

Emmanuel. — Docteur, il ne faut jamais aller contre la nature ! On ne guérit la bêtise que par la bêtise. Puisqu’elle veut renverser le thé, nous allons le lui commander. Elle va tout précipiter par terre avec fracas. Nous n’aurons même pas l’air d’entendre, et nous continuerons de causer.

Le Docteur. — Riez-vous ?

Emmanuel. — Pas encore ! Mais je vais me rattraper. (Il a sonné. Antoinette paraît) Voulez-vous nous préparer le thé, mon enfant ?