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LES PLAISIRS DU HASARD

nue, au clair de lune ? Monsieur votre père aurait-il été maître d’études ? N’avez-vous jamais aucun caprice ? Jamais ne vous passe-t-il par la tête quelqu’une de ces bonnes saines idées que le monde appelle folies ? Vous croyez à la Société avec sa morale, ses Académies et ses échéances ? Monsieur Rat, vous êtes une force. Maintenant que vous me faites rire, je suis heureux de vous payer. Voici vos quatre cents francs. Si j’osais, j’en mettrais cinq, d’autant plus que j’endosse à la place de votre complet correct, ce vieux costume, brillant d’une fantaisie charmante. Regardez-le bien, Monsieur Rat. Ne faites pas des yeux ronds, comme si la Terre allait rencontrer Vénus… Rentrez chez vous… Essayez de lire les poètes. Aimez Madame Rat avec un peu de passion. Et, d’abord, dites-moi bonsoir gentiment, drôlement, avec esprit !… Bien. Ça pourrait être mieux… Si j’ai besoin d’un costume pour le Carnaval, ai-je besoin de vous dire que je courrai chez vous ? Monsieur Rat, je vous salue. Mes hommages à Madame.

(Il le pousse doucement dehors et referme la porte.)


Scène IV

EMMANUEL, ANTOINETTE, puis LE DOCTEUR et SA FEMME

(Antoinette entre et étend un napperon sur la table. Emmanuel la regarde.)

Emmanuel. — Elle n’a pas l’air encore très heureuse… Elle souffre de son état… Ah ! Antoinette, sans vous approuver je vous comprends !