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LES PLAISIRS DU HASARD

Le Fils. — Maman, ne me traite pas toujours comme quand j’avais trois ans.

La Femme du Docteur. — Il y a si peu de temps que tu les as eus. On croit tenir encore un bébé !

Le Fils. — Et vous êtes surpris qu’Ève et moi aimions nous échapper chez des amis ! Mais les étrangers causent avec nous ! Ils nous écoutent ! Ils ne nous rabrouent pas !

La Femme du Docteur. — Ici, on vous rabroue ?

Le Fils. — On nous diminue. Devant moi, on dit que ma sœur est une petite fille bien mignonne. Devant ma sœur, on vante son petit frère bien sage. C’est puéril, ma pauvre mère, et c’est faux. Car sans parler de moi, le jour où elle viendra te dire dans les yeux : « Maman, c’est fait : je suis fiancée !… »

La Femme du Docteur. — Es-tu fou !

Le Fils. — Rien que l’idée te met à l’envers !… Pourtant, c’est fatal.

La Femme du Docteur. — Qu’est-ce qui est fatal ? Que ta sœur, élevée comme elle l’a été…

Le Fils. — Est-ce que cela compte ?

La Femme du Docteur. — Oh ! tiens… j’aime mieux ne plus parler !

Le Fils. — Et une fois de plus, je suis idiot ?

La Femme du Docteur. — Complètement !

Le Fils. — Je me retire de nouveau dans mes appartements.

(On sonne.)