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ACTE TROISIÈME
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Emmanuel. — Oh !… Et moi j’aurais tant de joie à vous rendre ce service ! Vous êtes gaie, indépendante, courageuse. Volontiers je vous donne un conseil… si vous jurez de le suivre.

Ève. — Je… le jure.

Emmanuel. — Mais vous ne riez plus ?

Ève. — Le temps de jurer.

Emmanuel. — Eh bien, Mademoiselle, prêtez l’oreille à votre conscience, simplement, et soyez bien naïve et bien sincère avec vous-même. Y a-t-il un homme vers lequel vous sentiez que votre vie est en train de s’incliner presque malgré vous ?

Ève. — Peut-être…

Emmanuel. — Épousez-le.

Ève. — Quand ?

Emmanuel. — Le vingt-huit.

Ève. — Hein ?

Emmanuel. — Dans trois semaines, tout de suite.

Ève. — Pourquoi ?

Emmanuel. — Parce que tôt ou tard vous y viendrez, que la vie est courte, qu’il n’y a que ce jour-là de libre, et que toute remise serait une sottise.

Ève. — Mais…

Emmanuel. — Riez donc ! Vous ne riez plus !

Ève. — Vous avez un tel accent…

Emmanuel. — Celui de la vérité. Elle vous effraie ?

Ève. — Elle… m’émeut !