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LA GUERRE DES IROQUOIS

terreur, puisque les cent hommes que M. de Maisonneuve conduisait étaient regardés et furent, en effet, comme les sauveurs du pays. »

« De 1648 à 1652, quelques-uns commencèrent à faire de la culture (Montréal) à leur compte et, en 1653, Villemarie prit enfin la forme d’une véritable colonie. Cette année-là, Maisonneuve amena de France cent cinq colons recrutés principalement dans le Maine et dans l’Anjou. Un grand nombre de ces derniers se firent concéder des étendues de terre et, à l’aide des gratifications que leur accorda la société de Notre-Dame de Montréal, commencèrent à exploiter leurs concessions. »[1]

D’après la mère de l’Incarnation, il y avait, en 1653, « plus de deux mille Français » dans la colonie, mais nos calculs ne montrent pas plus de 675 âmes dans la population fixe, de sorte que, si l’on y ajoute les. « Français », population flottante, on est à peine justifiable de dire qu’il y avait en tout 900 âmes. La mère de ·l’Incarnation a dû écrire : « près de mille » et les copistes ont lu : « plus de deux mille ». M. l’abbé Ferland,[2]prenant le chiffre de deux mille au sérieux, observe que « c’était bien peu encore pour une colonie commencée depuis quarante-cinq ans, tandis que les colonies de la Nouvelle-Angleterre, suivant Josselyn, renfermaient 100, 000 âmes quelques années plus tard. D’après des manuscrits de la sœur Bourgeois cités par M. l’abbé Faillon, il n’y aurait eu que cinq ou six maisons dans la haute-ville de Québec et quelques magasins à la basse-ville. La sœur ne parle sans doute que des maisons qui se trouvaient dans le voisinage des ursulines ou de l’hôtel-Dieu… » et il continue en énumérant le Cap-Rouge, Sillery, la côte Sainte-Geneviève, N.-D.-des-Anges, Longue-Pointe, Château-Richer, Beauport, l’Ange-Gardien, le cap Tourmente et la côte de Lauzon, tous lieux où il y avait quelques habitants — mais ce n’était point la ville.

Nos calculs donnent 675 âmes pour toute la population française stable du Canada, l’été de 1653, savoir : 400 pour Québec et son groupe, 175 pour Trois-Rivières et le cap de la Madeleine, 100 pour Montréal.

À la fin de septembre de cette année, M. de Maisonneuve amena de France un contingent de cent à cent-huit hommes, la plupart ayant un métier, mais n’étant ni cultivateurs ni soldats — ce qui n’empêche point M. Dollier et, après lui maint auteur de les qualifier de « recrues » et d’ajouter qu’ils allaient défendre Montréal. On en a fait ainsi des recrues militaires. La vérité est que, à partir de 1657, ils ont été obligés de prendre les armes contre les Iroquois qui redevenaient dangereux et une quarantaine, sinon cinquante de ces braves gens périrent dans les combats des années suivantes.

Le lecteur a pu voir, au cours du présent article, quel genre de colonie les pompeux auteurs de la charte des Cent-Associés, Richelieu en tête,

  1. Léon Gérin, la Science sociale, Paris, 1891, p. 557.
  2. Cours, I, 414.