Page:Benoit L Atlantide.djvu/132

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— Monsieur Spardek, — dit-il — et je compris combien notre interlocuteur se mettait, par cette simple phrase, au-dessus des vains titres humains.

Le révérend Spardek, de Manchester, nous fit un salut compassé, et nous demanda l’autorisation de conserver sur la tête son haut-de-forme à larges bords. C’était un homme sec et froid, grand et maigre. Il mangeait avec une onction triste, énormément.

— Monsieur Bielowsky, — dit M. Le Mesge, après nous avoir présentés au second convive.

— Comte Casimir Bielowsky, hetman de Jitomir, — rectifia ce dernier avec une bonne grâce parfaite, tandis qu’il se levait pour nous serrer la main.

Tout de suite, je me sentis pris d’une certaine sympathie pour l’hetman de Jitomir, qui réalisait le type parfait du vieux beau. Une raie séparait ses cheveux de couleur chocolat (j’ai su plus tard que l’hetman les teignait à l’aide d’une décoction de khol). Il avait de splendides favoris à la François-Joseph, également chocolat. Le nez était un peu rouge, sans doute, mais si fin, si aristocratique. Les mains étaient des merveilles. Je mis quelque temps à évaluer la date de la mode à laquelle se rapportait l’habit du comte, vert bouteille, à revers jaunes, adorné d’un gigantesque crachat argent et émail bleu. Le souvenir d’un portrait du duc de Morny me fit opter pour 1830 ou 1862. La suite de ce récit montrera que je ne m’étais guère trompé.