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Page:Benoit L Atlantide.djvu/181

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Étendant la main, elle me montra l’énorme rocher blanc qui dominait les palmiers du jardin.

— Il est tout mon horizon, — dit-elle gravement.

Parmi plusieurs livres qui traînaient autour d’elle, sur la peau de lion, elle en prit un, qu’elle ouvrit au hasard.

— C’est l’indicateur des chemins de fer de l’Ouest, — dit-elle. — Quelle lecture admirable pour quelqu’un qui ne bouge pas ! Actuellement, il est cinq heures et demie du soir. Un train, un train omnibus, est arrivé, il y a trois minutes, à Surgères, dans la Charente-Inférieure. Il en repartira dans six minutes. Dans deux heures, il arrivera à la Rochelle. Comme c’est bizarre ici, de songer à ces choses. Tant de distance !… Tant de mouvement ! Tant d’immobilité !…

— Vous parlez bien le français, — fis-je.

Elle eut un petit rire nerveux.

— Je suis bien obligée. Comme l’allemand, comme l’italien, comme l’anglais, comme l’espagnol. C’est mon genre de vie qui m’a faite une fameuse polyglotte. Mais c’est le français que je préfère, au touareg et à l’arabe même. Il me semble que je l’ai toujours su. Et crois bien que je ne dis pas cela pour te faire plaisir.

Il y eut un silence. Je songeai à son aïeule, à celle dont Plutarque disait : « Il y avait peu de nations avec qui elle eût besoin d’interprète ; Cléopâtre parlait dans leur propre langue aux