— Minuit et demi. Mais vous n’allez pas m’abandonner comme cela, mon enfant, mon cher enfant. J’ai le cœur lourd, lourd.
Il pleurait à chaudes larmes. Les basques de son habit, sur le divan, derrière lui, faisaient de grands élytres vert pomme.
— N’est-ce pas qu’Aguida est belle, — fit-il pleurant toujours. — Tenez, elle me rappelle, à peine en plus brun, la comtesse de Teruel, la belle comtesse de Teruel, Mercédès, vous savez bien, qui se baignait toute nue, à Biarritz, devant le rocher de la Vierge, un jour que le prince de Bismarck était sur la passerelle. Vous ne vous souvenez pas ? Mercédès de Teruel ?
J’eus un haussement d’épaules.
— C’est vrai, j’oubliais, vous étiez trop jeune. Deux ans, trois ans. Un enfant. Oui, un enfant. Ah ! mon enfant, avoir été de cette époque, et être réduit à tailler une banque avec des sauvages… Il faut que je vous raconte…
Je me levai et le repoussai.
— Reste ! reste ! — supplia-t-il. — Je te dirai tout ce que tu voudras, je te conterai ce que tu voudras, comment je suis venu ici, des choses que je n’ai jamais dites à un autre. Reste, j’ai besoin de m’épancher dans le sein d’un véritable ami. Je te dirai tout, je te répète. J’ai confiance en toi. Tu es Français, gentilhomme. Je sais que tu ne lui répéteras rien.
— Que je ne lui répéterai rien. À qui ?
— À…