Page:Benoit L Atlantide.djvu/206

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« Un matin du printemps de 1862, j’étais dans mon cabinet à dépouiller mon courrier. Il y avait une lettre de Sa Majesté, me convoquant pour quatre heures aux Tuileries ; une lettre de Clémentine, m’informant qu’elle m’attendait à cinq heures chez elle. Clémentine était la toute belle pour qui je faisais alors des folies. J’en étais d’autant plus fier que je l’avais soufflée, un soir, à la Maison Dorée, au prince de Metternich qui en était très épris. Toute la cour m’enviait cette conquête ; j’étais moralement obligé de continuer à en assurer les charges. Et puis Clémentine était si jolie ! L’Empereur lui-même… Les autres lettres, mon Dieu, les autres lettres étaient précisément les notes des fournisseurs de cette enfant qui, malgré mes remontrances discrètes, s’obstinait à me les faire tenir à mon domicile conjugal.

« Il y en avait pour un peu plus de quarante mille francs. Robes et sorties de bal à la maison Gagelin-Opigez, 23, rue Richelieu ; chapeaux et coiffures de Mme Alexandrine, 14, rue d’Antin ; jupons multiples et lingerie de Mme Pauline, 100, rue de Cléry ; passementeries et gants Joséphine de la Ville de Lyon, 6, rue de la Chaussée-d’Antin ; foulards de la Malle des Indes ; mouchoirs de la Compagnie Irlandaise ; dentelles de la maison Ferguson ; lait antéphélique de Candès… Ce lait antéphélique de Candès, surtout, me combla de stupéfaction. La facture portait cinquante et un flacons. Six cent trente-sept francs cinquante de lait antéphélique de Candès. De quoi édulcorer