Page:Benoit L Atlantide.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

but, presque d’un trait, sans attendre que le sucre fût fondu, un grand verre d’absinthe.

« — Eh bien, capitaine ? — répéta le colonel.

« — Eh bien, mon colonel, c’est fait. Vous pouvez être tranquille. Il ne descendra pas à terre. Mais, vrai Dieu, quelle corvée !

« Les officiers n’osaient souffler mot. Seuls, leurs regards disaient leur anxieuse curiosité.

« Le capitaine Grandjean se versa une gorgée d’eau.

« — Voilà, j’avais bien préparé ma phrase, en route, dans la chaloupe. En montant l’escalier, je sentis que tout s’était envolé. Saint-Avit était au fumoir, avec le commandant du paquebot. Il me sembla que je n’aurais pas la force de lui dire la chose, d’autant que je le voyais prêt à descendre. Il était en tenue de jour, son sabre sur la banquette, et il avait des éperons. On ne garde pas d’éperons à bord. Je me présentai, nous échangeâmes quelques paroles, mais je devais avoir l’air bien emprunté, car, dès la première minute, je compris qu’il avait deviné. Sous un prétexte quelconque, ayant quitté le commandant, il me conduisit à l’arrière, près de la grande roue du gouvernail. Là, j’osai parler : mon colonel, qu’ai-je dit ? Ce que j’ai dû bafouiller ! Il ne me regardait pas. Accoudé au bastingage, il laissait ses yeux errer au loin, avec un sourire. Puis, soudain, quand je me fus bien empêtré dans mes explications, il me fixa froidement et me dit :

« — Je vous remercie, mon cher camarade,