Page:Benoit L Atlantide.djvu/63

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« Ce que j’ai donné, répondit Morhange, c’est ce à quoi j’avais droit. Nous serons aux puits d’El-Biodh demain soir, vers six heures. D’ici là, je sais que je n’aurai pas soif. » Et cela sur un ton où, pour la première fois, je sentais apparaître le capitaine. « C’est facile à dire, pensai-je d’assez mauvaise humeur. Il sait que, quand il le voudra, mon outre et celle de Bou-Djema seront à sa disposition. » Mais je ne connaissais pas encore bien Morhange, et il est vrai que, jusqu’au lendemain soir où nous atteignîmes El-Biodh, opposant à nos offres une obstination souriante, il ne but pas.

Ombre de saint François d’Assise ! Collines d’Ombrie, si pures au soleil levant ! Ce fut par un lever de soleil analogue au bord d’un pâle ruisseau coulant à pleines cascades d’une échancrure des rocs gris d’Eguéré, que Morhange s’arrêta. Les eaux inattendues roulaient sur le sable, et nous voyions, sous la lumière qui les doublait, des petits poissons noirs. Des poissons au milieu du Sahara ! Nous restions tous les trois muets devant ce paradoxe de la nature. L’un s’était égaré dans une minuscule crique de sable. Il restait là, barbotant en vain, son ventre blanc en l’air… Morhange le prit, le considéra une seconde, et le restitua à la mince eau vive… Ombre de saint François. Collines d’Ombrie… Mais j’ai juré de ne point rompre par des digressions intempestives l’unité de cette narration…