Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/9

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La Cleopatre

10Qu’on a veu dans ces mains la moitié de la terre ?
Et cet ingrat Ceſar qui me tient aßiegé,
Diroit-il que ce bras autrefois l’a vangé ?
Qu’il a vengé ſon oncle, & que Brute, & Caßie
Ont pour s’en échaper leur trame raccourcie,
15Que ces cœurs généreux dans un commun malheur,
Pour éviter mon bras ont eu recours au leur ?
Helas leur déſeſ‍poir vaut mieux que mon attente !

Lucile.

Ce ſont traits de fortune.

Antoine.

Ce ſont traits de fortune.Ha qu’elle eſ‍t inconſ‍tante !
Voy comme elle a changé, tout vivoit ſous ma loy,
20Je penſois que le Ciel fut au deſ‍ſous de moy,
Mais les dieux aux plus grands font voir qu’ils ont des maîſ‍tres,
J’avois lors des amis, je n’ay plus que des traiſ‍tres,
Ils eſ‍toient aßidus à me faire la cour,
Je n’es‍tois jamais ſeul, ny la nuic‍t, ny le jour,
25Maintenant on me quitte, & de tout ce grand nombre
Pas un ſeul ne me reſ‍te, à peine ay-je mon ombre,
Cependant ta pitié conſole mon deſ‍tin,
Ton fidelle ſecours me ſuit juſqu’à la fin,