Page:Benserade - La Mort d’Achille et la dispute des armes.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
TRAGEDIE.

Pâris.

Que n’eſtois-je avec vous ? j’euſſe veu ſa penſée,
De quelle affection elle eſtoit traverſée,
Et d’où venoit en luy ce mouvement ſi prompt,
Car je cognoy le cœur dés que je voy le front,
Des feux les plus cachez je voy des eſtincelles,
Et juge de l’amour außy bien que des belles.
Achille inexorable, & puis humilié,
C’eſt enſemble un effect d’amour, & de pitié,
Ce double mouvement qui tient l’ame engagée,
Peut naiſtre des appas d’une belle affligée,
« Rien n’eſt plus eloquent que de beaux yeux moüillez,
Par eux ſont de fureur les Tygres deſpoüillez. »
Sans doute que ma ſœur eſt dans l’eſprit d’Achille,
Et cette affection nous eſt beaucoup utille.

Priam.

Si ma fille devoit vous attirer à nous,
Achille, ha que plutoſt ne l’aperceuſtes vous !
On ne vous euſt point veu ſi fatal à ma joye,
Derriere voſtre char traiſner Hector, & Troye.
Tu vivrois mon enfant, l’appui de mes citez,
Et le retardement de nos fatalitez.

Pâris.

Que votre majeſté ne perde point courage,
Et ſauvons, s’il ſe peut, les reſtes du naufrage.