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LA MORT D’ACHILLE.

Achille.

Mais quel eſt ce peché ? Je vous ayme, Madame,
C’eſt ma temerité, ma gloire, mon forfait,
Et voilà ce que j’oſe apres ce que j’ay fait :
Mon cœur s’oſe flatter de l’eſpoir de vous plaire,
Et qui peut tout ailleurs eſt icy temeraire.
Vous m’avez commandé de ne le point celer,
Si ce ſont deux pechez que ſouffrir, & parler,
Le premier eſt de moy, le dernier eſt le voſtre,
Puniſſez-moi de l’un, accuſez-vous de l’autre.
J’ay ceſſé d’eſtre libre afin d’eſtre captif,
Afin d’eſtre amoureux d’eſtre vindicatif :
Ma colere a donné la géſne à la Nature,
Je n’ay point eu pitié de ſa triſte aventure,
Qu’un pere ait ſouſpiré, qu’une mere ait gemy,
Je n’ay point pour cela ceſſé d’eſtre ennemy :
Mais vos yeux ont flechy mon courage farouche,
Et m’ont perſuadé bien mieux que voſtre bouche,
Je penſois reſiſter, mais il a bien fallu
Rendre Hector, & mon cœur quãd vos yeux l’ont voulu :
Je les veux adorer, contentons mon envie,
Et que je ſçache d’eux à quel point eſt ma vie.
Orgueilleux Souverains, dont j’adore les loix,
Eſpoir ambitieux de plus de mille Roys !