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LA MORT D’ACHILLE.

Tout ce que j’ay ſouffert ne les contente pas,
Achille, par vos mains ils veulent mon treſpas,
Finiſſez-donc ma vie en achevant mes peines,
Tirez ce peu de ſang qui reſte dans mes veines,
Ou rendez-moi ce fils qui me touche ſi fort,
Je ſeray chaſtié quand je le verray mort :
Si je le demandois avec l’ame, & la vie
Qu’il ne peut plus avoir, que vous avez ravie,
J’attendrois un refus, mais helas il me plaiſt
Tout paſle, tout ſanglant, tout maßacré qu’il eſt !
Ha ! ſi vous connoißiez les mouvemens d’un pere
Qui ſent mon infortune, & souffre ma miſere !
Le voſtre (brave Achille) eſt plus heureux que moy,
Cependant ſa vieilleſſe est touſjours dans l’effroy,
Apprehende pour vous, ne ceſſe de ſe plaindre,
Et craint ce qu’autrefois j’eus le bon-heur de craindre :
Helas je le ſouhaitte exempt de mes malheurs !
Que jamais voſtre ſang n’attire de ſes pleurs,
Soyez touſjours heureux, & que jamais Pelée
N’ait les triſtes ennuys dont mon ame eſt troublée.

Achille.

J’ay pitié de vos jours que la miſere ſuit,
Et je plains l’infortune où je vous vois reduit,
Peuſſay-je vous montrer comme j’en ſuis ſenſible !
Mais vous me demandez une chose impoßible :