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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Séparez-vous de nous, vous n’estes que des ombres
Sans force et sans pouvoir.
Vous estes les zéros, et nous sommes les nombres
Qui vous faisons valoir.

Je sçai que la beauté, par tout victorieuse,
Nous dompte et nous régit ;
Et que sur tous les cœurs sa force impérieuse
Également agit.

Hé bien, honorez-la, comme les autres choses,
D’un sentiment léger,
Comme on prise les lys, comme on chérit les roses
D’un parterre étranger.

Mais venir sur nos champs en faire des rapines
En insolent Vainqueur,
Ne méritez-vous pas d’y trouver des épines
Qui vous percent le cœur ?

Ah ! quittez désormais cette étrange manie,
Réglez mieux vos désirs ;
Et revenez goûter, adorable Uranie,
Les solides plaisirs.