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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Vôtre bouche en riant fait que mon nez rechigne
Du noir désordre de vos dents,
Sans que je leur impute une vapeur maligne
Qui vient peut-être du dedans.

J’aime sur vôtre front cette guerrière audace
Où l’on voit l’amour en courroux :
Et ce poil tout brûlé vous sert de bonne grace,
Puisqu’il vous sert sans être à vous.

Parmy vos agrémens, nature désavouë
Une si gluante splendeur,
Et ce rouge acheté, qui dessus vôtre jouë
Fait l’office de la pudeur.

Vous n’avez bras, ni mains, teint, ou lèvres vermeilles ;
De gorge, il ne s’en parle point :
On se mocque chez vous de ces riches merveilles
Et de jeunesse et d’embonpoint.

Aussi tant de beauté n’est pas un avantage
Qui serve d’un grand ornement :
Si vous n’êtes pas belle, au moins êtes-vous sage
Ou la serez incessamment.