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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Et que cette flâme naissante
A déjà des effets puissans,
Cette belle par une œillade
Montre qu’elle a l’esprit malade,
Et qu’elle chérit sa langueur.
Mais ta rigueur inconcevable
Rend cet adorable vainqueur
Autant insensible qu’aimable.

La grâce qu’on voit en son port,
Et sa douceur incomparable.
Est un écueil inévitable
Où sa raison perd son effort.
Son ardeur, qui toujours augmente,
Devient enfin si véhémente
Qu’elle ne la peut plus cacher :
Chacun de nous la voit paroître.
Et le seul qu’elle veut toucher
Seul ne sçait pas la reconnoître.

Peut-être, s’il sçavoit un jour
L’ardeur de cette belle flâme,
La pitié feroit en son âme
Ce que n’a jamais pû l’amour.