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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


J’aime, et je porte un cœur sensible à tous les coups
Des beaux objets que je contemple ;
Et puis je ne vois rien, qui s’aprochant de vous,
Ne m’en favorise l’exemple.

Je n’entends que sanglots, pour vôtre cruauté
Qui refuse la moindre œillade,
Et parmi tant de maux, j’aurois trop de santé,
Si je n’étois un peu malade.

Bien mieux que l’intérêt, vos charmes à la cour
Attirent la foule importune ;
Et dans le cabinet, on tient plus à l’amour,
Qu’on ne s’attache à la fortune.

On s’y plaint tout le jour, on s’y plaint tout le soir,
On y languit, on y frissonne ;
Et chacun s’y réchauffe à l’entour d’un espoir
Qui ne réussit à personne.

Parmi tant de soupirs, si brûlans et si doux,
Et dont vous tenez peu de compte,
On sçait bien, qu’un soupir qui ne va point à vous,
Doit en chemin mourir de honte.