Page:Benson - La nouvelle aurore, 1915.djvu/236

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affairées ; des hommes allaient et venaient, échangeant quelques paroles. Sur le seuil des maisons, un groupe d’enfants se tenaient assis gravement. Et monsignor ne cessait pas de se dire que, sans doute, c’était son imagination qui lui faisait apparaître aussi tristement vides les visages de ces socialistes qui, cependant, avaient assez prouvé leur qualité d’enthousiastes en préférant l’exil à la domination du système chrétien. Bon nombre de ces visages exprimaient une intelligence très alerte ; et tous apparaissaient pleins de santé et de vie. Mais à les regarder en masse, et en comparaison des visages qu’il avait coutume de voir dans les rues de Londres, le prélat constatait une différence infinie. Il pouvait se représenter ces hommes prononçant des discours, organisant des votes, discutant gravement des matières d’intérêt public ; il pouvait se les représenter distribuant des secours après une soigneuse enquête scientifique, ou bien s’occupant d’administrer une stricte justice ; il pouvait même, avec un effort, se les figurer enflammés de passions politiques. Mais il lui était impossible, quoi qu’il fît, de les croire capables d’aucune action extrême, bonne ou mauvaise. Ils pouvaient calculer, faire des plans, comme aussi aimer et haïr à leur façon. Mais nul moyen de concevoir que jamais la passion les transportât hors d’eux-mêmes, dans un sens ou dans l’autre. En un mot, il n’y avait pas de lumière derrière ces visages ; on n’y voyait pas l’indication d’une mystérieuse