Page:Benson - Le Maître de la terre.djvu/423

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lorsque le soleil avait grimpé plus haut, derrière l’impénétrable voile de brume. Les montagnes, l’herbe, les visages des hommes, tout cela paraissait de plus en plus irréel : c’étaient comme des choses vues, dans un rêve, par des yeux alourdis de sommeil, à travers des paupières chargées de plomb. Et cette impression d’irréalité existait même pour les autres sens. Le silence n’était pas simplement une cessation de tout son : c’était une chose en soi, positive et matérielle, et dont le poids énorme n’était allégé ni par le bruit des pas, ni par les aboiements des chiens, ni par le murmure des voix. Le Syrien se disait que le calme de l’éternité avait déjà commencé à descendre, et déjà étendait son voile infini sur toutes les activités du monde agonisant. La matière gardait encore son être, occupait encore l’espace : mais elle n’était plus, désormais, que d’une nature toute subjective, résultant des facultés intérieures de l’âme, sans aucune substance au dehors. Et il apparaissait au prêtre que lui-même, déjà, n’était plus rattaché au reste des choses que par un fil de plus en plus mince. Ainsi, il savait que l’écrasante chaleur persistait ; et, une fois, même, le sol qu’il foulait de ses pieds craque sous son contact, et fuma comme un fer chaud sur lequel serait tombée une goutte de liquide. Il pouvait sentir cette chaleur sur son front et ses mains, tout son corps en était inondé : et, cependant, il ne pouvait plus percevoir cette chaleur, ni ce corps, que du dehors et de loin, comme ces malades