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le maître de la terre

prêtre apostat, votre peuple, le monde, et moi-même ! »

Il s’arrêta et concentra ses pensées jusqu’à ce que tout ce qu’il avait dans l’esprit s’étendît devant lui, comme une plaine au pied d’une montagne.

« Moi-même, Seigneur, sans votre grâce, je me trouverais dans les ténèbres et dans le malheur. C’est vous seul qui me soutenez et me sauvez ! Conservez et achevez votre ouvrage dans mon âme ! Ne me laissez point défaillir pour une minute ! Car si vous écartiez de moi votre main, aussitôt je tomberais au plus profond néant ! »

Les yeux de son âme allaient maintenant çà et là, du calvaire dans le ciel jusqu’aux agitations et aux soupirs terrestres. Il voyait le Christ mourir de désolation, pendant que la terre tremblait et gémissait ; il voyait le Christ régner sur son trône, en robe de lumière ; il le voyait résider, patient et silencieux, sous les espèces de son sacrement… Puis il attendit que le Christ lui parlât, et les paroles qu’il attendait lui vinrent si douces et délicates, rapides comme des ombres, que sa volonté s’épuisait dans l’effort de les saisir, et de les fixer, et d’y répondre… Il voyait le corps mystique dans son agonie, étendu sur le monde comme sur une croix, et muet à force de douleur ; et le sang vivant coulait, goutte par goutte, de sa tête, de ses mains, et de ses pieds. Au-dessous, le monde était rassemblé, plein de raillerie et de belle humeur : « Il a sauvé