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Page:Bentham - Déontologie, ou science de la morale, tome 1.djvu/105

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SCIENCE DE LA MORALE. 89

garde ses principes et son sang-froid. En partant du sens moral, il n’y a pas moyen d’ajouter un mot de part ni d’autre ; et il en résulte que les actes en question sont tout à la fois louables et détestables. Le moderne donc, qui, il est probable, ne saura garder ni son sang-froid ni ses principes, dit à l’ancien « Votre sens moral ne signifie rien du tout. Il est corrompu, abominable, détestable : tous les peuples n’ont qu’un cri contre vous. –Il n’en est rien, répond l’ancien ; mais quand même cela serait, qu’est-ce que cela prouverait ? Il s’agit ici de savoir, non ce que les peuples pensent, mais ce qu’ils doivent penser. » Sur ce, le moderne chasse l’ancien à coups de pied, ou lui crache au visage ; et, s’il en a la force, il le brûle tout vif. Et en effet, il n’y a pas d’autre moyen naturel et raisonnable de continuer la discussion.

Si vous pouvez leur persuader à tous deux d’adopter pour leur guide le principe de l’utilité, le débat prendra une tout autre tournure ; le résultat sera qu’ils tomberont d’accord, ou, s’ils ne sont pas d’accord, ce sera au sujet de quelques faits, et il n’y a pas lieu de supposer aucun d’eux assez déraisonnable pour se fâcher contre son adversaire, parce qu’il diffère avec lui sur une question de fait ; ils se sépareront