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Page:Bentham - Déontologie, ou science de la morale, tome 1.djvu/68

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DÉONTOLOGIE.

tous. On la qualifiait de troupeau ignorant et vulgaire, et, cependant, ces ignorans-là accumulaient sur leur existence une somme de bien-être, et la plupart arrivaient de temps à autre à se procurer une certaine portion de bonheur. Le bien-être formait leur ordinaire. Le bonheur, ils en savouraient quelques gouttes, rares, et seulement aux beaux jours. C’en était assez pour le vulgaire ignorant, non pas pour les sages éclairés, hommes qui, de quelque nom qu’ils qualifiassent leur sagesse, étaient appelés par les autres les plus sages des hommes (σοφισται (sophistai)), hommes sages (σοφοι (sophoi)), ou amis de la sagesse (φιλοσοφοι (philosophoi)). Ceux-là marchaient la tête haute, et de leurs lèvres le sophisme coulait à longs flots.

Au profane vulgaire ils abandonnaient la jouissance de tous les plaisirs qui se rencontraient sous sa main. Pour leurs disciples, ils tenaient une chose en réserve, une chose admirable, qu’ils appelaient το αγαθον (to agathon), summum bonum, le souverain bien. Qu’était-ce ? Était-ce le plaisir ? Oh ! non. Le plaisir n’était pas assez bon pour eux ; c’était quelque chose de meilleur que le plaisir, et, pour qu’il fût meilleur, il fallait bien qu’il en différât.

Or, si leurs actes avaient été conformes à leurs