Page:Bentzon - Le Roman d’un muet, 1868.djvu/115

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demi-mort. Ce fut Jane elle-même qui me la suggéra. Dans mon sommeil, au milieu de quelque cauchemar qui me montrait les damnés, dont je faisais partie, le cou tendu, hâves, frémissants, sur la rouge ou la noire, je la voyais apparaître, et elle consentait à porter le nom de ma mère, à devenir la gardienne de mon foyer, à être pour moi tout ce qu’on adore. Plus forte que la méfiance de soi, que laisse une première inclination dédaignée, elle revenait toujours ; elle revint si bien qu’un matin, au réveil, sans avoir presque conscience de mon audace, j’écrivis ce qu’il doit être si doux de dire, ce que ma bouche, scellée sur mon cœur, ne pourra jamais exprimer que par un muet soupir. Jane m’avait fait croire à l’abnégation ; je l’aimais assez pour abjurer devant elle mon orgueil d’homme,