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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

vapeur s’effectua au milieu d’un tumulte épouvantable. Les porteurs se ruaient sur les bagages comme si ceux-ci eussent été leur bien. Les luttes les plus violentes s’engageaient partout. Un monsieur s’était assis sur sa malle et défendait une valise contre certain nègre dont le bras seul était visible au milieu de la foule, tandis qu’un autre barbiste[1] s’efforçait de tirer la malle sous lui, le soulevant de terre à chaque effort. Une femme, la jupe relevée et serrée au-dessous des hanches par un mouchoir, arrachait de droite et de gauche les sacs de nuit aux mains crispées pour les retenir. M. de Lorme poursuivait un porteur chargé du bagage de Yette qui, prête à pleurer, ne réussissait pas à le rejoindre avec sa da'. Désespérant de rassembler ses malles éparses de tous côtés, il dut faire appel à un mulâtre vêtu d’une tunique à galons qui indiquait sa qualité de sergent de ville. Ce personnage regardait d’un air calme les scènes qui avaient lieu autour de lui ; néanmoins, à la demande de M. de Lorme, il intervint pour rappeler le porteur trop zélé, mais ne réussit qu’à se faire appeler mal blanchi

  1. Barbiste, faiseur de barbe, celui qui fait un travail accidentel et bien rétribué. Le barbiste a horreur du travail régulier.