Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

108
HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

bien monter. Ce fut un terrible moment pour Yette. Malgré ses allures indépendantes, elle était fort timide et n’avait vu le monde qu’à de rares intervalles, un petit monde tout intime et bienveillant, du reste, et qui néanmoins l’effarouchait au point qu’elle osait à peine répondre par monosyllabes aux avances des meilleures amies de sa mère. Et elle allait se trouver devant une étrangère qu’on lui avait dépeinte comme fort imposante et difficile ! La pauvre enfant ne prévoyait pas encore ce que serait l’épreuve.

Ce vendredi néfaste se trouvait être le jour de réception de Mme Darcey, et le salon où on l’introduisit, toute couverte encore de la poussière du voyage, était rempli de belles dames en visite, dont l’attention se tourna aussitôt sur elle de la manière la plus inattendue et la plus déconcertante. Elle s’arrêta tout court, elle eût voulu s’échapper, disparaître ; mais la maîtresse de la maison la retint par la main, puis la conduisant au milieu du cercle curieux, se mit à raconter son histoire, en insistant sur le chagrin qu’elle avait dû ressentir de quitter la belle habitation du Macouba et « ses adorables parents, des gens si distingués, si bien posés là-bas, par parenthèse ! »

Le résultat d’une pareille présentation était