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LE PENSIONNAT.

Les images étaient assez drôles, et Mlle Aubry, qui, assise devant son bureau, se retournait à chaque instant, eut la satisfaction de voir que Yette les feuilletait avec intérêt. Au bout d’une heure, cependant, le livre lut fermé, et Yette s’étonna de l’absence prolongée de la négresse.

« Ne vous tourmentez pas et venez souper, dit la directrice. Pour ce soir, vous prendrez place à ma table. »

Yette ne comprit que le lendemain, après qu’elle eut essayé du réfectoire, tout ce qu’avait d’enviable cette faveur. À plusieurs reprises, pendant le souper, en tête à tête avec la plus désagréable personne qu’elle eût jamais vue, pensait-elle, — et sa physionomie transparente devait exprimer ses pensées, — Yette demanda impérieusement sa da.

Mlle Aubry répondait toujours d’une manière évasive, mais, au dessert, jugeant sans doute que la pauvre petite avait mangé trop peu pour qu’une mauvaise nouvelle pût troubler sa digestion, elle prit de nouveau Yette sur ses genoux, la supplia d’être sage, courageuse, de se résigner, car ce n’était qu’à cette condition qu’elle obtiendrait de voir sa da le lendemain à la récréation de midi.