Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

19
L’HABITATION DU MACOUBA.

friand morceau. Un vieux fer à repasser, auquel était attaché une ficelle, servait de boulet au captif, qui supportait son sort d’assez bonne grâce, pourvu qu’on ne le laissât jamais manquer de crabes d’eau douce.

« Veux-tu donc qu’il ait faim ? » s’écriait Yette, quand sa da la conjurait de ne plus s’exposer ainsi aux fluxions de poitrine.

Une fois, Yette fut piquée par un petit serpent, et la pauvre da suça le venin au péril de sa vie.

Cette fameuse da, mulâtresse de grande taille, encore belle sous son madras artistement échafaudé, était une narratrice incomparable ; enfants et domestiques se réunissaient tous les soirs pour l’entendre conter ses contes, et quels contes ! N’y cherchez ni rime ni raison ; tels qu’ils étaient dans leur folie, dans leur extravagance, ils charmaient l’auditoire ignorant et naïf. La conteuse commençait invariablement par ces paroles : Bonbonne fois (il était une fois), et tous les négrillons de répondre en chœur selon l’usage : « Trois fois bel conte ! »

Compère Lapin jouait toujours un grand rôle dans le récit ; c’est le héros madré des fables nègres. Il va un matin voler dans le jardin du roi et y est surpris par le jardinier, qui lui tend un