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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

des réprimandes, ni des punitions ; elle traita l’enfant comme une malade, avec la plus douce pitié ; elle s’adressa par des moyens détournés à sa raison, sans lui laisser croire qu’elle l’eut devinée. Un soir, tout en allaitant la petite Cora, elle raconta négligemment à Yette, qui se tenait à l’écart, sombre et les yeux pleins de larmes, comme si on lui eût volé les caresses qu’on faisait à sa sœur, l’histoire vraie d’un petit chien qu’elle avait amené au Macouba, lors de son mariage, et qui s’était laissé mourir de langueur lorsqu’un rival était venu détourner de lui toute l’affection de sa maîtresse.

« Quel rival ? demanda Yette.

— Mon premier enfant, que le bon Dieu m’a repris depuis. Je chassais souvent le pauvre Skip de la chambre, parce que ses aboiements troublaient le sommeil du baby, parce que ses gambades lui faisaient peur. Skip, s’apercevant avec un instinct merveilleux que sa part d’affection avait diminué, surtout depuis qu’il avait eu la méchanceté de mordre le petit innocent, refusa de manger, de boire, et dépérit très vite. Bref, on le trouva un jour dans sa niche réduit à l’état de cadavre. »

Yette avait écouté avec attention, la tête basse,