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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

petite sœur endormie, s’arrêtant, par intervalles pour baiser une main maigrelette qui pendait hors du berceau. Qui sait si ce ne fut pas à cette prière d’enfant que Dieu accorda la vie de la malade ? Quoi qu’il en fût, le premier sourire de Cora convalescente fut pour Yette, pour Yette encore le premier baiser de ces petites lèvres pales que l’on avait crues à jamais refroidies. Le tyran de la maison fut dès lors dominé par un autre despote, qui abusait souvent des droits qu’on lui laissait prendre.

« Elle est si faible ! » répétait Yette, pénétrée des paroles de sa mère sur la nécessité de faire, en cédant, acte de force morale.

Le désir de donner le bon exemple la décida, dans la première ferveur de sa conversion, à se laisser initier aux mystères de l’alphabet ; mais la persévérance n’était pas chez elle à la hauteur du zèle. Il lui parut suffisant de savoir ses lettres, et bientôt elle revint, comme nous l’avons vu, aux plaisirs de l’école buissonnière, avec une nouvelle recrue, sa petite sœur, qui, dès qu’elle put marcher, fit le diable, en l’imitant aussi bien que le lui permettait son jeune âge.